Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/94

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la stérilité, cette grâce si enviée. C’est l’amante, c’est l’épouse qui doivent implo­rer la vierge Marie et lui adresser la fervente prière de la femme adultère: «O vierge sainte, qui avez conçu sans pêché, faites que je pèche sans concevoir». La courtisane appartient au troisième sexe; elle laisse à la femme vulgaire la sale et pénible besogne d’enfanter l’humanité[1].


Le hasard recrute les courtisanes dans les basses classes de la société. N’est-ce pas une honte et un crève-cœur de voir celles qui occupent un rang si élevé dans le monde, sortir de la crotte?


Femmes qui m’écoutez, vous appartenez aux classes supérieures, souvenez-vous que l’ancienne noblesse reprochait à Louis XV de prendre ses concubines dans la roture; réclamez comme un de vos plus précieux privilè­ges le droit et l’honneur de fournir les courtisanes des élus du Capital. Déjà beaucoup d’entre vous, méprisant les tristes devoirs de l’épouse, se vendent comme les courtisanes; mais elles trafiquent de leur sexe timidement, hypo­cri­tement. Imitez l’exemple des honorables matrones de l’ancienne Rome qui se faisaient inscrire chez les édiles pour exercer le métier de prostituées; secouez, jetez à terre et foulez aux pieds des préjugés idiots et démodés qui ne conviennent qu’à des esclaves. Le Dieu-

  1. Les rédacteurs du sermon se sont inspirés de la pensée d’Auguste Comte. Le fondateur du positivisme prédisait la formation d’une race supérieure de femmes, débarrassées de la gestation et de la parturition. La courtisane réalise en effet l’idéal du bourgeois philosophe.