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MOLIÈRE.

ouvrages d’art littéraire ou plastique, on y peut aisément, par l’analyse, démêler trois éléments, plus ou moins puissamment amalgamés : ce que l’artiste a reçu du passé par assimilation, ce qu’il a recueilli dans le présent par impressions et observations, ce qu’il transmet à l’avenir par les appoints personnels de son imagination, de son invention, de son exécution. Or Molière fut, à la fois, l’un des assimilateurs les plus infatigables et les plus judicieux que nous offre notre histoire théâtrale et l’un des observateurs les plus pénétrants et les plus profonds que la littérature puisse comparer aux psychologues et philosophes de profession. De plus, par l’irrésistible attrait, aussi communicatif aujourd’hui qu’en son temps, de ses conceptions joviales ou sérieuses, il reste le créateur d’un monde idéal peuplé de figures immortelles, aussi vivant, aussi varié, aussi largement accessible à tous, dans le champ des réalités familières, que peut l’être le monde idéal de Shakespeare dans la sphère des vraisemblances tragiques, historiques et poétiques.

On a comparé fréquemment, longuement, Molière à Shakespeare. (Dr Humbert en Allemagne, Paul Stapfer en France.) Il semble qu’en effet tous deux seuls soient de même taille. Le parallèle, d’ailleurs, s’impose par d’étranges similitudes dans les tempéraments et les destinées. Tous deux sont fils de marchands, l’un à la campagne, l’autre à la ville, exercés, de bonne heure, à la pratique des affaires dans un milieu laborieux et probe. Même complexion chaude et tendre, même intelligence curieuse et souple, formée à la fois par les leçons du magister