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l’originalité.

influences trop variées de climats, de croyances, de mœurs, d’état social et politique, pour que cette production, dans la forme, ne fut pas extraordinairement diverse. La sincérité même de leurs génies, aussi fidèles sur les bords de la Seine et sur ceux de la Tamise aux traditions ancestrales que librement soumis aux influences contemporaines, a précisément fait deux, à un demi-siècle de distance, les représentants les plus complets de leurs pays et de leurs langues. Tous deux s’adressent, aussi sûrement l’un que l’autre, à l’âme de leur race. Molière, par la vivacité, la clarté, la simplicité, la netteté de son langage familier, la juste portée de sa raillerie, joyeuse ou moralisante, reste aussi profondément un Français, Gallo-Romain du xviie siècle, que Shakespeare, par les sonorités pittoresques, l’abondance exubérante de son éloquence lyrique ou triviale, ses échappées vers la nature extérieure, ses contrastes d’émotions tragiques et de subtilités sentimentales reste un Anglais, Celto-Saxon-Normand du xvie siècle.

Leur vertu principale, leur vertu constante à tous deux, même en leurs improvisations les plus négligées, est celle qu’ils doivent à leur métier de comédiens. L’art de la mise en scène, de la vie infusée aux personnages par la vraisemblance et la convenance des actions, gestes, paroles, ne leur fait presque jamais défaut. Or, cet art spécial et professionnel, auquel nulle perfection littéraire ne saurait suppléer, esl d’une telle importance et d’une telle puissance qu’il peut, en revanche, faire oublier toutes les irrégularités et incorrections. Il n’y a pas de