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MOLIÈRE.

Tous deux meurent à cinquante et un ans, dans toute leur force de penseurs et créateurs, l’Anglais déjà retiré des luttes dans sa bourgade champêtre, le Parisien en pleine activité, dans sa ville enfiévrée, tous deux si insouciants de leur gloire qu’ils n’ont pris soin ni d’imprimer toutes leurs œuvres ou d’en corriger l’impression, encore moins de les recueillir. Ce seront des amis qui, après leur mort, sauveront ce qu’ils pourront recueillir de leurs épaves, 36 pièces pour Shakespeare, 33 pour Molière. Eux ne nous laissent rien pour nous renseigner sur leurs vies, leurs sentiments, leurs pensées, ni correspondance, ni notes, ni brouillons, ou, s’ils en ont laissé, leurs héritiers indifférents ont tout perdu.

Avec des facultés si semblables, de si semblables destinées, comment s’étonner qu’on puisse trouver dans leurs œuvres, d’apparences si disparates, un fond général de similitudes, parfois même quelques rencontres de détail ? N’est-ce pas, chez l’un et chez l’autre, le même besoin de franchise et de vérité, le même amour pour ce qui est vivant, sain et naturel, la même pénétration à deviner les ressorts cachés des sentiments et des passions humaines, la même habileté puissante à faire mouvoir, sur la scène, en des actions intéressantes, avec des gestes et des paroles décisives, des personnages-types d’une réalité individuelle si fortement condensée qu’elle devient une vérité générale ?

La comparaison, d’ailleurs, doit s’arrêter là. Si les mêmes causes devaient, en de mêmes tempéraments, développer des qualités de même sorte pour l’acte de la production, elles agissaient sous des