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MOLIÈRE.

joyeuse avec laquelle il se dégage en toute occasion, franchement ou sournoisement, de la tyrannie des unités, et s’exerce à rapprocher, de nouveau, le comique et le tragique, le rire et les larmes, la gaîté et le sentiment, dans Don Juan, le Misanthrope, Georges Dandin, le Malade imaginaire, et dans les comédies-ballets, prévoit et prépare toutes les formes futures de notre art théâtral, depuis le drame romantique et la comédie intime, jusqu’à l’opéra, l’opéra-comique, l’opérette, le vaudeville, la féerie.

La souplesse infatigable avec laquelle, utilisant les moindres occasions, il introduit, dans tous les genres, plus de naturel et plus d’humanité, serait sans doute mieux remarquée s’il avait pris soin de se faire valoir lui-même en quelques préfaces ou commentaires. Il n’eut guère le loisir d’y penser ou, plutôt, créateur actif, peu soucieux des théories, trouvait-il suffisant de rompre, en réalité, avec les routines ou préjugés à la mode, sans perdre en paroles explicatives un temps précieux et des forces déjà trop limitées au gré de ses impatiences fertiles. L’évolution incessante de son génie vers une expression objective, de plus en plus franche, libre et complète de la vie, s’opère, chez lui, par degrés, modestement, lentement. Et cette absence d’efforts apparents nous ravit d’autant plus qu’on y sent, au fond, une visée constante très réfléchie et très volontaire.

De ce qu’il conserve, par habitude ou commodité, comme on le fera longtemps après lui, certains noms conventionnels, représentatifs d’un type général tels qu’Ariste, Géronte, etc., ou commémoratifs de quelques comédiens ou rôles comiques particu-