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MOLIÈRE.

Son père, Jean Poquelin, maître tapissier, avait vingt-sept ans, sa mère, Marie Cressé, fille et nièce de tapissiers, vingt à peine. Jean-Baptiste, premier né, leur était arrivé vite et gaîment au neuvième mois de lune de miel. Cinq autres enfants, Louis, Jean, Marie-Madeleine, Nicolas, Marie, allaient régulièrement lui succéder, presque tous les ans. Le vieux logis, à colombages, du xve siècle, où croissait la nichée, au coin des rues Saint-Honoré et des Vieilles-Étuves, portait le nom de « Maison des Singes. » Sur son poteau cornier, sculpté et peint, grimpait, en grimaçant, au tronc d’un oranger, une bande joyeuse de ces quadrumanes imitateurs. Le grand Molière, devenu, pour ses contemporains, le « Singe de la Nature », se souviendra, non sans gratitude, de cette naïve enseigne : il fera figurer, dans son blason, à côté du masque de la Comédie et des miroirs de la Vérité, les animaux malins dont les gambades, amusant ses yeux, avaient encouragé, dès l’enfance, ses instincts d’espièglerie observatrice et moqueuse.

À dix ans, Jean-Baptiste eut le malheur de perdre sa mère, le 15 mai 1632. D’après l’inventaire, après décès, l’intérieur des Poquelin était des plus confortables. Meubles sculptés, belle argenterie ; dans la chambre nuptiale, grand lit à pentes brodées, tentures en tapisserie, miroirs et tableaux ; dans la garde-robe de la défunte, bon nombre de costumes et riches parures, de fines lingeries, des bijoux, quelques livres parmi lesquels une Bible et un Plutarque « le gros Plutarque à mettre les rabats » qu’on retrouvera tous deux chez Molière à sa mort.