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jeunesse et apprentissage.

La jeune mère était une femme d’ordre, aimant le luxe, la toilette, les bonnes compagnies, avec une certaine et solide culture. On se plaît à l’imaginer vive, généreuse, enjouée et franche. Tout porte à croire que, si son fils hérita visiblement de ses goûts pour une vie large, l’ordre intérieur, l’élégance personnelle, il lui reste aussi redevable de cette promptitude et chaleur d’émotion, de cet impérieux besoin d’amour et de tendresse, de cette persistance de bon sens à travers les plaisirs et les douleurs de la vie, qui devaient devenir à la fois le tourment fatal de son existence aventureuse et l’aliment le plus heureux de son génie.

Marie Gressé laissait à son mari, depuis peu tapissier du roi, trois enfants en bas âge, dont le commerçant affairé ne pouvait s’occuper. Il ne tarda pas à leur donner une belle-mère. En avril 1633, Jean Poquelin épousa une autre fille de gros tapissier, Catherine Fleurette. Quelques moliéristes exaltés ont voulu retrouver, dans l’œuvre du beau-fils, lg portrait de la belle-mère. Pour les uns, c’est Béline, l’odieuse marâtre du Malade imaginaire, pour les autres, Elmire, l’affectueuse amie de ses beaux-enfants, dans le Tartuffe. On sait ce qu’il faut penser de la valeur de ces clefs, au moyen desquelles on prétend pénétrer le mystère de la gestation imaginative chez les créateurs de poésie et d’art. Rien n’autorise à parler bien ou mal de cette jeune femme, morte, elle aussi, prématurément, victime de deux accouchements trop rapprochés, le 12 novembre 1636. Ce qui reste probable, néanmoins, c’est que le vide précoce d’affection maternelle autour de