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MOLIÈRE.

sisse, il est rare en outre, qu’il n’en montre pas, simultanément ou successivement, des exemplaires différents, les uns risibles, les autres estimables.

Dans la première nouveauté, par exemple, qu’il offre aux Parisiens, les Précieuses ridicules, ce sont, de suite, la noblesse et la bourgeoisie opposées face à face. Le milieu provincial où il les renferme, pour ce coup d’essai, justifiera ses hardiesses. Les vrais gentilshommes s’y tiennent encore dans la coulisse, mais leurs valets, parés de leurs plumes, ont endossé, en les exagérant, leurs travers et leurs défauts, fatuité, vantardise, affectation d’esprit, impertinence et insolence. Les cinglements d’étrivières que leur prodigue le satirique ne s’adressent aux rustres que pour mieux atteindre leurs maîtres. Ne sont-ce pas aussi les nobles pédantes, les bas-bleus des alcôves aristocratiques, qui sont bien et dûment frappées sur le dos des « pecques » provinciales et bourgeoises, de Mlles Cathos et Madelon ? Mais, en même temps, dans la personne du papa Gorgibus paraît ou plutôt réapparaît (nous le connaissons dès le Moyen âge), le vrai bourgeois français, homme simple, loyal, cœur naïf, d’une expérience modeste, mais sûre. C’est ce brave homme qui, sous des formes plus ou moins lourdes ou grossières, ridicules même et grotesques, va devenir, dans toute l’œuvre postérieure, le représentant de ce bon sens national, qui finit toujours par nous remettre en équilibre et santé, après les crises intermittentes de nos exaltations et folies chevaleresques, religieuses ou antireligieuses, monarchiques ou démagogiques.

Le satirique devient plus libre vis-à-vis de la cour,