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MOLIÈRE.

sauf rares exceptions, à son dédain ou son mépris, les médecins, gens de lettres, hommes de robe, que nous avons déjà rencontrés parmi les fils et petits-fils des antiques Pédants, et ces amusants comédiens et ces belles comédiennes auxquels gens de la cour et bourgeois doivent également leurs plus agréables distractions, qu’ils applaudissent et qu’ils flattent, mais sans beaucoup les estimer.

Toute cette roture, si diverse et si remuante, est plus naturelle et plus simple dans l’expression de ses sentiments, plus libre et plus franche dans l’exercice de ses qualités et de ses vertus comme dans les manifestations de ses vices et de ses travers, moins sensible au ridicule que les classes supérieures et, partant, s’y prête davantage. C’est le monde que Molière a connu le mieux. C’est celui dont il nous a donné la peinture la plus complète, opposant les figures sympathiques aux figures grotesques ou odieuses, l’esprit calme et sensé à l’esprit troublé et faussé, et mêlant parfois, dans le même individu, comme son expérience le lui enseigne, le bien et le mal, l’intelligence et la sottise, les manies visibles et les souffrances intérieures.

Don Juan personnifiait l’égoïsme aristocratique dans ses plus odieux excès, Arnolphe, Orgon, Tartufe, Georges Dandin, Pourceaugnac, Jourdain, Argan, seront les figures principales qui vont personnifier l’égoïsme des classes moyennes. Autour d’eux, autour de leurs vanités, petitesses, ambitions, prétentions, manies et folies, tyrannies ou lâchetés, s’agite une foule de comparses, victimes naïves ou révoltées, dupes ou exploiteurs, flatteurs ou cen-