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passions et caractères.

avaient légué à Molière, comme à ses prédécesseurs immédiats, des types déjà variés et très modernisés par l’Italie et l’Espagne. Il n’oubliera jamais ni les spirituels Toscans, ni les rusés Napolitains qui servent si bien ou desservent leurs maîtres dans la Commedia dell’Arte. Sbrigani et Scapin resteront jusqu’au bout ses plus précieux agents d’intrigues. Il oubliera encore moins l’honnête écuyer Sancho Panca dont les sages proverbes eussent épargné au Chevalier de la Triste Figure tant d’avanies, s’il les avait écoutés, non plus que tous les graziosos, effrontés ou mielleux, forts en gueule ou gongorisant, qui gambadent, se déguisent, se jouent de tous et d’eux-mêmes à travers les imbroglios de Lope de Vega et qui ont déjà fourni à Scarron ses fameux Jodelets.

Combien vite pourtant cette valetaille, toujours maligne et ingénieuse, et même, parfois, bonne à pendre, change d’esprit et de cœur en prenant, avec des noms français, des caractères français ! Est-ce à dire que chez nous, au XVIIe siècle, il n’y eut, parmi les gens de maison, des infidèles et des coquins ? Assurément non, mais ce qu’on y trouvait aussi, et fréquemment, comme on le sait par documents, ce que Molière avait vu, en province, c’étaient des domestiques, dignes de ce nom, élevés et mourant dans la même maison, dévoués corps et âme à leurs maîtres, véritables membres de la famille, et, à ce titre, y gardant leur franc parler, surtout dans le Midi, avec une franchise parfois grossière, mais loyale et désintéressée, souvent utile et écoutée. Dès le Dépit amoureux, Gros-René, vis-a-vis de Masca-