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MOLIÈRE.

chaque jour encore leur bon sens pratique au contact familier des bonnes gens, Gorgibus, Sganarelle, Mme Jourdain, Chrysale, qui parleront le plus franc. Ils ne le feront, d’ailleurs, qu’en des moments de colère, lorsque, devant trop d’inepties ou trop de scandales, la moutarde leur monte au nez, avec ces exagérations de langage qui, en pareil cas, dépassent naturellement la pensée, et qui les rendent tout d’abord ridicules ; mais comme ils font bien de se moquer du qu’en dira-t-on ! Plus nous rions d’eux, plus la verdeur vivace de leur raison droite s’implante avec force en notre mémoire, et, par conséquent, dans notre réflexion.

Et pourtant, ces honnêtes prud’hommes semblent encore trop réservés et modérés au censeur impitoyable qui veut cracher leurs vérités à la face des bourgeois aussi bien qu’à celle des gentilshommes. Le plus souvent, ses vrais porte-voix sont pris dans le peuple même, les moins cultivés selon les règles, les mieux instruits souvent par les épreuves de leur vie. D’abord les paysans, l’honnête Pierrot, jugeant si bien la frivolité du courtisan, se jetant bravement à l’eau pour sauver le plus misérable d’entre eux, qui l’en récompense de suite en lui soufflant son amoureuse, puis le madré Sganarelle, le fagotier ivrogne, qui, devenu médecin par force, parle, consulte, guérit aussi bien que les docteurs les plus huppés.

Plus importants sont encore, parce qu’ils sont plus initiés aux affaires de la famille dont ils deviennent les confidents et conseillers, les valets et les servantes. Sans doute, de longues traditions en