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jeunesse et apprentissage.

stations parmi les badauds ébahis devant les tréteaux de Bruscambille, Gaultier-Garguille, Guillot-Gorju et autres farceurs, paradistes, saltimbanques, charlatans opérant en plein air. Aux jours de fête, c’était parfois la journée dans un vrai théâtre. Ses parents eux-mêmes en raffolaient, comme tous les marchands du quartier, et l’y conduisaient. L’hôtel de Bourgogne, le seul régulièrement ouvert, rue Mauconseil, était tout proche. Les maîtres de la Confrérie de la Passion, anciens propriétaires de la salle, y avaient conservé une loge. Louis Cressé, le grand-père maternel, ami du doyen, y avait ses entrées. Le petit Jean-Baptiste y put entendre les tragédies et tragi-comédies du fécond Hardy, celles de ses premiers successeurs, Théophile de Viau, Racan, Mairet, Pichon, et des récents novateurs, Rotrou, du Ryer, Tristan, Scudéry, Pierre Corneille, Boisrobert, etc… Des parades, soties et farces précédaient toujours et suivaient la pièce de résistance, d’autant plus gaies et libres, que celle-ci était plus héroïque, guindée et précieuse, grandiloquente et romanesque. La famille Poquelin occupait en outre, deux boutiques aux grandes foires extra-muros de Saint-Laurent et de Saint-Germain, où des farceurs et bateleurs cosmopolites battaient la caisse, chaque année, durant plusieurs semaines. Jean-Baptiste y put de bonne heure goûter le répertoire italien, pantomines, mascarades, Commedia dell’Arte, avec le répertoire gaulois des tabarinades.

Sur le coup de ses treize ans, après la mort de sa belle-mère, l’enfant, dit-on, sans goût pour son métier, demanda lui-même à son père « de le faire