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MOLIÈRE.

son enfance, a laissé une lacune dans les analyses morales du poète. Les rôles de mères seront aussi rares dans ses comédies que ceux de pères y seront fréquents, et ces pères seront presque toujours des veufs.

Il est, en revanche, naturel et vraisemblable, que certains traits du bonhomme Poquelin aient pu et dû, plus ou moins volontairement, servir au comédien dans la confection de ces derniers personnages. Le portrait du papa qu’a tracé Larroumet, d’une pointe fine et vive, d’après les documents, semble assez exact. Vrai type de bon bourgeois parisien que ce commerçant, laborieux et rangé, retors en affaires, d’une probité scrupuleuse, qui transmit aussi à son fils une bonne part de son esprit pratique et de son activité infatigable. Il dirigea, naturellement, l’éducation de ses enfants, avec la prudence d’un honnête chef de famille.

Jean-Baptiste, futur successeur de son père dans son négoce et dans ses fonctions officielles, ne fréquenta, comme tous ses petits voisins, jusqu’à l’âge de quatorze ans, que l’école paroissiale de Notre-Dame, où l’on enseignait, avec le catéchisme, le calcul, le plain-chant, un peu de latin. Le reste du temps, Jean-Baptiste, mêlé aux ouvriers et commis, travaillait au magasin. Il y apprenait, avec le métier, le maniement des affaires, s’initiait déjà aux manières et au langage d’un autre monde par ses rapports avec les clients et débiteurs du maître tapissier, presque tous gens de robe ou gens de cour.

Aux heures de repos, c’étaient avec ses camarades, sur le Pont-Neuf ou la Place Dauphine, de longues