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pensée et morale.

taines tirades et maximes où éclate l’âme même, l’âme forte et généreuse du philosophe, tantôt dans l’impression dernière laissée au spectateur sincère par le choc joyeux ou attristant des personnages contradictoires chargés de représenter les diverses fluctuations, évolutions, constatations de cette pensée. Et la conclusion, comique ou tragique, sera toujours, comme sur le bateau d’Auteuil, comme dans les fables de son compère La Fontaine, une conclusion en vue de la vie actuelle, de la concorde et du progrès, une conclusion de morale pratique.

En cela, d’ailleurs, comme en tout, il est bien l’héritier de la tradition nationale. C’est un trait constant de l’esprit français, actif et positif, depuis le Moyen âge jusqu’à ce jour, qu’il a toujours difficilement compris l’œuvre d’art, littéraire ou plastique, sans destination utilitaire et sans application édifiante ou instructive. La Beauté, pour nous, ne peut jaillir que de la Vérité et ne saurait vivre que par la Vérité. De là, au Moyen âge, dans nos arts plastiques, où la matière impérieuse exige une reproduction vraisemblable des réalités visibles, cet admirable épanouissement d’un naturalisme créateur sous l’abri peu gênant des programmes dogmatiques. De là aussi, dans notre théâtre, où la parole s’adresse plus directement à l’esprit, une soumission plus complète à ce besoin instinctif du tempérament indigène. Sur les tréteaux de la foire comme sur ceux des Églises, dans les parodies, comme dans les mystères, ce seront toujours des allégories ou satires à prétentions instructives. Prêcheurs en chaire ou plaideurs au Palais, les théologiens et