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pensée et morale.

plus efficacement encore, par les conclusions que nous sommes obligés, si nous sommes sincères, de tirer du spectacle même des caractères et des passions en jeu, comme nous en tirons, journellement, des événements auxquels nous assistons ou qui nous sont racontés.

« Les passions sont toutes bonnes de leur nature et nous n’avons à éviter que leur mauvais usage et leur excès », dit Descartes. C’est la pensée contemporaine, formulée par le maître philosophe, que Molière exprime à sa manière lorsque, respectueux de tous les instincts et sentiments que la Nature a donnés à l’homme, il n’en ridiculise que les mauvais usages, les déviations et corruptions. Il reste aussi l’allié des penseurs de son temps lorsqu’échappant, ainsi qu’eux, à la tyrannie des préjugés et des traditions, il s’en rapporte, comme Gassendi, à l’observation de la réalité pour chercher les raisons des choses, et, comme Pascal, croit que « si l’esprit a son ordre, le cœur en a un autre ». Et, sur le théâtre, il continue, pour le monde profane, l’œuvre des Provinciales, en poursuivant de sa raillerie saine et sensée, la fausseté, le mensonge, l’égoïsme, la vanité, sous toutes leurs formes, en rappelant les grands et les petits à la modération et à la simplicité.

Il ne faudrait pas, sans doute, voir dans Molière un homme plus vertueux qu’il n’était, qu’il ne pouvait et voulait être. Les libres mœurs de la bohème ambulante où s’était embrigadée sa jeunesse, les mœurs galantes de la jeune cour, assoiffée de plaisirs et de fêtes, dont il dut toujours amuser l’oisiveté,