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MOLIÈRE.

les traditions gauloises de la bourgeoisie et du peuple parisien, dont il aimait les applaudissements, l’excitèrent toujours bien plus à suivre les impulsions natives de son tempérament sensuel qu’à donner, même en paroles, des exemples de réserve et d’édification. Il voudra toujours, avant tout, plaire et faire rire, se divertir lui-même en divertissant les autres. La vraie merveille, c’est qu’en riant sans cesse et riant de tout, n’épargnant, en apparence, avec une liberté complète de langage, rien de ce qui semblait intangible dans l’ordre social, familial, religieux, lorsqu’il y voyait des erreurs ou des vices, il ait conservé une si robuste santé de l’esprit et du cœur, que la sûreté de son jugement sur les hommes et sur les choses jaillit comme une irrésistible clarté, de ses bouffonneries les plus extravagantes.

S’il est un point sur lequel on pourrait s’attendre à lui trouver quelque trouble et incertitude dans les idées, c’est assurément sur la question des femmes, de l’amour, du mariage. Il en avait assez souffert pour la bien connaître. Nul des vieux conteurs n’avait raillé si gaîment le cocuage réel ou imaginaire, en herbe ou en gerbe, qu’il ne fit dans Sganarelle, le Mariage forcé, Georges Dandin. Mais, dans le premier cas, l’épouse n’est pour rien dans les visions cornues de la jalousie maritale, dans les deux autres, la fiancée et la femme ne sont que d’impudentes coquines dont le cynisme dégoûte à première vue, et, dans tous les trois, les maris sont de justes victimes de leurs lubies d’imbécile, de leur fatuité de barbon dupé, ou de leur sotte mésalliance. La