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pensée et morale.

pédantesque. Un cœur délicat, un esprit alerte, une droiture franche, une volonté douce et ferme. Avec quelle ironie de bon sens elle répond à sa bégueule de sœur, Armande, qui ne peut entendre même prononcer le mot de mariage !

Ne concevez-vous point ce que, dès qu’on l’entend,
Un tel mot à l’esprit offre de dégoûtant ?

HENRIETTE.

Les suites de ce mot, quand je les envisage,
Me font voir un mari, des enfants, un ménage,
Et je ne vois rien là, si j’en puis raisonner,
Qui blesse la pensée et fasse frissonner.

ARMANDE.

De tels attachements, ô ciel, sont pour vous plaire !

HENRIETTE.

Et qu’est-ce qu’à mon âge on a de mieux à faire
Que d’attacher à soi par le titre d’époux,
Un homme qui vous aime et soit aimé de vous.
Et de cette union de tendresse suivie
Se faire les douceurs d’une innocente vie ?

La santé intellectuelle n’est pas moins chère à Molière que la santé morale. Aussi en fait-il don à Henriette, comme à son futur époux, Clitandre. C’est dans cette même pièce des Femmes savantes qu’il dit son dernier mot comme « pédagogue et critique littéraire », suivant l’expression de M. Faguet dans une des plus libres et fines études de ses Propos de Théâtre. Treize ans auparavant, dans les Précieuses, devant les survivants et survivantes de l’Hôtel de Rambouillet, il avait commencé ses attaques contre le pédantisme et le maniérisme à la mode. Depuis ce temps, et sous le coup du ridicule qui les avait démodées, les Précieuses, sans délaisser tout