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MOLIÈRE.

a fait le petit jeu des consultations littéraires, s’étaient enhardies à des visées plus hautes. Elles étaient devenues philosophes, mathématiciennes, physiciennes, astronomes. Leur vanité s’en était accrue, et leur pédantisme exalté. En montrant les ravages que ces vanités intellectuelles pouvaient faire chez d’honnêtes femmes, à tous les âges, quels désastres en pouvaient résulter dans la famille entière, Molière continuait son œuvre salubre. Vis-à-vis de la mère, Philaminte, qui oublie, pour des spéculations scientifiques, ses enfants, son mari, sa maison, de la tante Bélise, dont la maturité acariâtre ronge avec dépit le frein d’une virginité d’apparat, et la sœur Armande, dont le paroxisme cérébral a déjà desséché le cœur, il était bon de faire entendre la voix du sens commun, et de la faire entendre sur tous les tons. Ce qui, sur les lèvres d’Henriette, s’exprime en ironies charmantes et réflexions modestes, éclate en récriminations violentes et brutales dans la bouche de Chrysale exaspère, et jaillit, en saillies drolatiques, de celle de Martine sacrifiée. Mais c’est, du haut en bas, même sentiment juste de la situation.

Est-ce à dire que Molière soit un Arnolphe qui prétendrait interdire aux femmes la culture de l’esprit ? Le pourrait-on croire un seul instant ? Arnolphe a si bien réussi en voulant faire une idiote de la maligne Agnès ! C’est Clitandre, cette fois, qui répond au nom des contemporains :

Mon cœur n’a jamais pu, tant il est né sincère,
Même dans votre sœur flatter leur caractère,
Et les femmes Docteurs ne sont point de mon goût.