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jeunesse et apprentissage.

Bergerac, Bernier, etc… Hesnault et lui, dans leur enthousiasme pour les doctrines épicuriennes, traduisirent en vers le poème de Lucrèce. On était au plus fort de la querelle entre Gassendi et Descartes. Ce dernier, à bout d’arguments, accusant son contradicteur de matérialisme, lui reprochait « de n’être que chair, tandis que lui était l’esprit ». « En m’appelant chair, lui répondit le fin bonhomme, vous ne m’ôtez pas l’esprit, comme, en vous appelant l’esprit, vous ne quittez pas votre corps ; en sorte que vous n’êtes pas au-dessus de la condition humaine, ni moi au-dessous, bien que vous reniez ce qui est humain, et que moi je ne m’y croie pas étranger. » C’est ce qu’avait dit Térence, c’est ce que répétera sans relâche Molière. L’enseignement positif et sage, fondé sur l’observation et l’expérience, du respectable Gassendi (correspondant de Galilée), devait laisser chez l’auteur dramatique, comme chez tous ses condisciples, des traces ineffaçables.

En même temps que ces leçons de libre critique, Poquelin suivait-il des cours de théologie en Sorbonne ? Tallemant l’a dit, mais Tallemant parle fort en l’air, au sujet de « ce garçon ». Ses études en droit à Orléans, où il prit sa licence, sérieuses ou bâclées, sont plus certaines. On croit même qu’il fit quelque début au barreau. En tout cas, en 1642, par précaution, le voici, pour s’assurer la survivance des fonctions paternelles, tapissier du roi en exercice ; il accompagne Louis XIII à Narbonne. D’après une tradition douteuse, il aurait, dans cette tournée, risqué sa vie par une généreuse imprudence en