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MOLIÈRE.

avec l’estime pour Sganarelle et la conviction que si Molière, à coup sûr, ne partage point ses préjugés sur le loup-garou et le moine-bourru, il accepte encore moins le cynisme moral de Don Juan, la férocité de son égoïsme élégant, la perversité raffinée de ses curiosités sensuelles et sentimentales, ses négations tranchantes et légères ?

On ne saurait, sans doute, attacher une importance décisive à de simples faits d’obligation ou de convenance, comme celui des Pâques faites par Molière à Saint-Germain l’Auxerrois un an avant sa mort et l’appel inutile par sa femme et ses amis d’un prêtre à ses derniers moments. Toutefois l’habitude d’offrir l’hospitalité à des religieuses, sa loyauté, sa générosité, sa charité proverbiales, son dévouement à ses amis, à sa famille, à tout son monde, attestent, chez lui, avec le plus large esprit de tolérance, le respect sincère de toutes convictions religieuses, et la pratique désintéressée de quelques nobles vertus. Est-il sorti absolument du Christianisme in petto ? C’est possible, mais qu’en savons-nous ? En tout cas, il semble bien qu’il s’en soit tenu, comme tant d’autres penseurs en tous les temps, comme la grande masse peut-être dans le nôtre, à quelque conception, à la fois vague et certaine, d’un déisme mystérieux et inexplicable, mais d’où procèdent sûrement ces forces instinctives du sens moral, ces idées du bien et du mal, du juste et de l’injuste qui, sanctifiées par les religions, codifiées par les législations, constatées par les philosophies, n’ont cessé de gouverner, plus ou moins bien, la conduite des hommes. Qu’il ait, d’ailleurs, traversé