l’Impromptu, la querelle philosophique du Mariage forcé, les consultations ridicules de l’Amour médecin et de M. de Pourceaugnac. Écoutez, les uns après les autres, les lamentations douloureuses de Dandin et les gémissements grotesques d’Argan, les nobles colères de Don Louis et les risibles indignations d’Harpagon, tous deux pères insultés, les adieux héroïques et résignés de l’amoureuse Dona Elvire, et la gourmade révoltée de l’honnête Mme Jourdain, toutes deux des épouses trahies ! Comme cette prose malléable, imagée ou abstraite, pétulante ou rassise, rapide ou grave, sait bien dire tout ce qu’il faut, le dire à propos, gaillardement, vaillamment !
Si l’effort, quelque gêne et quelque lenteur s’y font parfois sentir, c’est dans les morceaux de sentiment et de morale. Sur ces deux points, même dans la prose, on sent que le gamin de la rue Saint-Honoré, le coureur de provinces, n’a pas été aussi vite maître de sa langue que dans les scènes bourgeoises et populaires. Il lui fallut quelque temps pour se débarrasser des raffinements du langage romanesque et précieux, et pour accommoder à l’usage du théâtre la solidité, trop austère et trop froide, des dissertations et maximes qu’il trouvait dans les moralistes contemporains.
Le même embarras pour exprimer clairement la complication d’un sentiment ou d’une pensée reste plus longtemps visible dans les comédies en vers. On dirait qu’il s’y trouve à la fois embarrassé et servi par les innombrables réminiscences de Rotrou, Corneille, Scarron, Desmarets, qui l’assaillent, mêlées à celles, non moins nombreuses, des Espa-