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MOLIÈRE.

maison de Molière. C’est à Paris qu’il vivra, protégé par le roi, et qu’il mourra, ruiné par la Révolution, pauvre, presque aveugle, le lendemain même du jour où la Convention, trop tard, lui rendait sa pension. L’amour et le culte de Molière en avaient fait notre compatriote. Même phénomène dans la péninsule ibérique où notre goût classique pénétra pourtant avec plus de lenteur. C’est en Portugal que le Tartuffe est d’abord accueilli vers 1750, mais bientôt la popularité de Molière gagne l’Espagne et Moratin, comme Goldoni, traducteur et imitateur passionné de ses grandes comédies, devient si Français qu’après l’évacuation de son pays par nos armées, il s’exile volontairement et vient mourir à Paris en 1828.

Voilà pour l’influence littéraire. Que dire de l’influence morale et sociale ? Est-ce vis-à-vis de Molière qu’on peut soutenir cet élégant paradoxe que la littérature, notamment la littérature dramatique, n’exerce aucune action sur les mœurs, les sentiments et les idées de la société où elle se produit ? La thèse, à vrai-dire, n’est guère reprise, de temps à autre, que par des cyniques ou des pince-sans-rire qui ne voient, dans les licences du théâtre, qu’un facile moyen de lucre et de succès par l’excitation des plus bas instincts de la foule moutonnière. Qu’on soit sincère ! Chacun de nous, dans sa jeunesse par sensibilité, dans sa maturité par réflexion, n’a-t-il pas éprouvé, en bien ou en mal, le contrecoup des sensations et émotions produites en lui par l’irrésistible attrait, l’exaltation suggestive des représentations théâtrales ? N’avons-nous pu, de notre