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l’influence..

temps, ne pouvons-nous constater chaque jour quelle action exercent sur l’imagination, les préjugés, les opinions du public, au moins autant que le journal, les comédies joyeuses ou sérieuses sur les questions, morales ou sociales, à l’ordre du jour ? Sans doute la comédie ne corrige pas plus sûrement ni plus rapidement les vices ou les travers dont elle se moque que les graves prédications et raisonnements des prêtres, moralistes et philosophes. Mais elle dispose tout aussi bien, et sans y paraître, les gens à se mieux juger et à mieux juger les autres, en leur faisant dérouler sur les planches, mieux que dans la vie, les conséquences, ridicules ou déplorables, de ces vices et de ces travers. Qu’il serait facile de démontrer combien, depuis cinquante ans, telles ou telles œuvres, non seulement d’Augier, d’Alexandre Dumas, de Sardou, mais de beaucoup d’autres moins illustres, ont modifie nos idées et nos mœurs dans la famille et dans le monde, sur les questions de l’amour, du mariage, du divorce, etc. ! Ne disons donc pas, comme Brunetière, que Molière « en a menti » lorsqu’il proteste, dans sa Préface du Tartuffe, de ses intentions moralisatrices. Sauf ses adversaires religieux, tous ses contemporains lui donnent raison et constatent les prompts effets de ses polémiques. Il faut lire, à ce sujet, ce que disent Charles Perrault, Bussy-Rabutin, Bayle, etc. Molière avait la raillerie si forte, écrit ce dernier peu de temps après la mort du poète, que c’était comme un coup de foudre d’effet ; quand un homme en avait été frappé, on n’osait plus l’approcher. Tanquam de cœlo tacrum el fulgu-