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MOLIÈRE.

ratum hominem. Tout cela est arrivé à l’abbé Cotin, car non seulement la comédie des Femmes savantes éloigna de lui ses amis, mais aussi lui troubla le jugement. »

Un vice ou un travers bien peints et représentés sur le théâtre ou dans le roman par un psychologue sagace est comme une infirmité dont les caractères sont nettement déterminés par un médecin expérimenté. La précision du diagnostic mène à la connaissance et à la défiance du mal, éclaire la recherche du remède, en facilite la découverte. Sans attribuer plus d’intentions réformatrices et surtout de prévisions révolutionnaires à Molière qu’il n’en eut certainement, n’est-il pas évident, néanmoins, que le sentiment de justice, de bienveillance, de tendresse avec lequel il montra les enfants soumis encore trop brutalement au pouvoir absolu et tyrannique des parents n’a pas médiocrement contribué à introduire dans les mœurs de la famille plus de douceur et de bienveillance ? N’est-il pas certain qu’en fixant au pilori, parmi les éclats de rire ou les huées d’indignation, des personnifications aussi complètes du crime, du vice, de la sottise, tels que Tartufe, Don Juan, Harpagon, Jourdain, Argan, en inscrivant, au-dessus de leur tête, de ces noms significatifs et sonores, qui se fixent irrésistiblement dans la mémoire, il a marqué l’Hypocrisie religieuse, l’Égoïsme mondain, l’Avarice, la Vanité, la Poltronnerie bourgeoises, d’une étiquette ineffaçable qui les fait en tous lieux reconnaître, haïr, mépriser ou railler ? Croit-on qu’avant le coup de grâce asséné par Beaumarchais à la noblesse dégénérée, oisive et