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MOLIÈRE.

fit saisir le tirage de douze cents exemplaires, on n’en trouva plus que quatre.

Ce fut par le Cocu que s’inaugura, le 20 janvier 1661, la salle du Palais-Royal. On le donna plusieurs fois de suite avec les Précieuses. Amis ou ennemis, avec sympathie ou jalousie, tous s’accordent alors à reconnaître, dans le chef de la troupe, le plus désopilant des farceurs, mais un simple farceur. Cela pouvait-il suffire aux ambitions du poète ? Conscient des forces supérieures qui s’agitaient en lui, l’auteur du Dépit, en montant sur une plus grande scène, entendait bien aussi s’élever vers de plus hautes destinées. La tragi-comédie, l’intrigue courtoise, la pastorale même, qui avaient amusé sa jeunesse, conservaient toujours pour lui, comme pour le roi, pour la cour et les amateurs lettrés, par leurs libertés imaginatives, mélanges de rires et de larmes, de sentimentalité, raillerie et poésie, un légitime attrait. Dans ses tournées provinciales, où il jouait constamment des rôles héroïques, il s’était essayé, lui aussi, à des compositions du même genre. On lui en verra, plus tard, sortir de ses tiroirs, en toute occasion, des canevas auxquels il donnera des formes nouvelles. Pour le moment, trompé peut-être par les efforts de labeurs que lui avait imposés cette ambition juvénile, inopportune ou prématurée, il crut frapper un grand coup en donnant Don Garcie de Navarre ou le Prince jaloux.

Le contraste de cette étude passionnelle, sérieuse, héroïque, élégiaque, avec les fines railleries et franches gauloiseries des Précieuses et du Cocu était vraiment trop violent. Le public parisien,