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MOLIÈRE.

trop de prudence pour les hypothèses, trop de réserves pour les conclusions.

Que Molière, avec l’ardeur de son tempérament, la vivacité de ses sentiments, la franchise de son caractère, la hardiesse de sa pensée, ait dû mettre, sciemment ou inconsciemment, beaucoup de lui-même dans son œuvre, qui donc en pourrait douter ? Combien de ses contemporains nous l’ont affirmé ! Par Lagrange et Vinot, ses premiers éditeurs, par Baron, inspirateur de Grimarest, témoins et compagnons de sa vie, ne connaissons-nous pas bien sa façon de travailler ?

Quoiqu’il fût très agréable en conversations lorsque les gens lui plaisaient, il ne parlait guère en compagnie… Cela faisait dire qu’il était rêveur et mélancolique, mais s’il parlait peu, il parlait juste… Il observait les manières de tout le monde, il trouvait ensuite moyen d’en faire des applications admirables dans ses comédies, où on peut dire qu’il y a joué tout le monde, puisqu’il s’y est joué le premier sur des affaires de sa famille et qui regardaient ce qui se passait dans son domestique. C’est ce que ses plus particuliers amis ont observé bien des fois.

On peut donc croire qu’en composant ou achevant l’École des Maris, durant la crise qui précéda la célébration de cette union disproportionnée, Molière dut, plus d’une fois, songer à lui-même, aux difficultés de son présent, aux incertitudes de son avenir, et se faire répéter, par Ariste, les conseils d’indulgence, de tendresse, de douceur qu’il se donnait à lui-même in petto, dans l’espoir d’assurer son bonheur. Que de vers optimistes ou pessimistes, désespérés ou attendris, que de mots charmants ou douloureux, retentissent, comme les échos alternants