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LES PREMIÈRES BATAILLES.

d’un cœur agité, dans les dialogues contradictoires des deux barbons et de leurs pupilles !

À peine l’École des Maris avait elle paru, le succès battait son plein, quand le roi fit demander, d’urgence, à l’auteur une fantaisie quelconque, ce qu’il voudrait, pourvu qu’il y eût des intermèdes, et qu’on y put intercaler des ballets. Les Fâcheux furent joués, le 17 août 1661, au château de Vaux, lors des fêtes magnifiques données à la cour par le surintendant Fouquet, qui devait être emprisonné quelques jours après. « Jamais entreprise, dit la Préface, ne fut si précipitée que celle-ci ; c’est une chose, je crois, toute nouvelle, qu’une comédie ait été conçue, faite, apprise, représentée en quinze jours. » Malgré l’extraordinaire virtuosité dont Molière fît preuve en d’autres occasions, on peut penser, qu’en la circonstance, il se vantait un peu. Si la façon de présenter et d’encadrer les divers portraits, si vrais et si amusants, qui font de cette pièce à tiroirs une délicieuse galerie de peintures vivantes, fut rapidement improvisée, en fut-il de même pour chaque épisode en particulier ? C’est à ce propos que Grimarest-Baron fait cette observation :

Quoiqu’il dise qu’il ait fait cette pièce en quinze jours, j’ai de la peine à le croire. C’était l’homme qui travaillait avec le plus de difficulté, et il s’est trouvé que des divertissements qu’on lui demandait étaient faits plus d’un an auparavant… On ne lui a jamais donne de sujets. Il en avait un magasin d’ébauches, par la quantité de petites farces qu’il avait hasardées dans les provinces ; et la Cour et la Ville lui présentaient tous les jours des originaux de tant de façons, qu’il ne pouvait s’empêcher de travailler de lui-même sur ceux qui le frappaient le plus.