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LES PREMIÈRES BATAILLES.

Plaute n’est plus qu’un plat bouffon,
Et jamais il ne lit si bon
Se trouver à la Comédie :
Car ne pense pas qu’on y rie
De maint trait jadis admiré
Et bon in illo tempore ;
Nous avons changé de méthode,
Jodelet n’est plus à la mode
Et maintenant il ne faut pas
Quitter la Nature d’un pas.

Les Fâcheux, revus et augmentés, reparaissent quelques jours après, devant la cour, à Fontainebleau. À l’hiver, au Palais-Royal, ils font la joie du grand public. Ce seront les Fâcheux, farce aristocratique, qui, avec le Cocu, gauloiserie populaire, tiendront le plus souvent l’affiche du vivant de Molière.

Il va sans dire que tant de portraits comiques, où se pouvaient reconnaître tant de spectateurs, allaient déchaîner contre « le Peintre » de nouvelles rancunes et de nouvelles attaques. Et, cependant, les Fâcheux n’avaient encore été qu’une opération de sondage dans l’esprit du roi. Jusqu’à quel point la raillerie, jusqu’alors limitée aux précieuses et aux valets parés des plumes des marquis, pourrait-elle directement s’adressera leurs maîtres ? Louis XIV avait répondu sans tarder. En offrant lui-même aux coups du satirique son grand-veneur, il lui donnait le champ libre. Dès lors, tous les marquis allaient y passer, du petit au grand. Trop spirituels, il est vrai, trop bons courtisans, la plupart, pour ne pas faire de nécessité vertu, ou trop suffisants et trop sots pour se vouloir reconnaître tout en reconnaissant leurs voisins, ils vont, d’ailleurs, s’empresser autour du favori royal, afin de s’assurer ses bonnes grâces.