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MOLIÈRE.

Rien de plus vraisemblable que cette habitude, pour un notateur infatigable, de puiser dans ses réserves et de se trouver ainsi prêt à toute réquisition.

Quoi qu’il en soit, et comme le temps ne fait rien à l’affaire, plus ou moins improvisés, les Fâcheux offraient un admirable défilé de types et de caractères, avec une verve endiablée d’esprit et de style. C’était tout l’entrain satirique, descriptif, bouffon de Mathurin Régnier, Saint-xmant, Desmarets, Scarron, avec une intensité de précision, une profondeur d’analyse, une sûreté de goût bien supérieures. Ce ne fut qu’un long éclat de rire. S’il ne s’y reconnaissait pas lui-même, chacun y croyait reconnaître un voisin. Le roi, victime obligatoire chaque jour de tant de fâcheux, voulut collaborer à la vengeance des amants toujours troublés dans leurs rendez-vous ; il fournit, pour la seconde représentation, un type d’importun supplémentaire, celui du chasseur. Les applaudisseurs du poète grandissant ne se tiennent pas d’aise. On sait ce, jour-là, avec quelle joie d’allié, dans la campagne menée contre le maniérisme romanesque et la naïveté artificielle, La Fontaine écrivait le soir même à l’ami Maucroix :

C’est un ouvrage de Molière.
Cet écrivain, par sa manière
Charme à présent toute la Cour.
De la façon dont son nom court
Il doit être par delà Rome :
J’en suis ravi, car c’est mon homme.
Te souvient-il bien qu’autrefois
Nous avons conclu d’une voix
Qu’il allait ramener en France
Le bon goût et l’air de Térence ?