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LES PREMIÈRES BATAILLES.

« Elle qui prouve si bien que la véritable dévotion n’est point contraire aux honnêtes divertissements, Elle qui, de ses hautes pensées et de ses importantes occupations, descend si humainement dans le plaisir de nos spectacles et ne dédaigne pas de rire, de cette même bouche qui prie si bien Dieu… »

C’est alors que toutes les rancunes se déchaînent. Nombre de gens se crurent visés, quelques-uns avec raison, dans ces portraits, gravés à la pointe sèche, de poètereaux envieux, de critiques aigres, d’amateurs prétentieux et ignorants. Le duc de la Feuillade, l’homme du « Tarte a la crème, morbleu ! tarte à la crème », rencontrant Molière dans une galerie de Versailles, « l’aborde avec les démonstrations d’un homme qui voulait lui faire caresse », lui frotte le visage contrôles boutons de son pourpoint « fort durs et fort tranchants », et lui met tout le visage en sang. Une pareille insulte ne pouvait, naturellement, qu’exciter l’indignation du roi. Nous ignorons comment le duc fut réprimandé, mais il le fut, et peu de temps après, Racine écrivait à l’abbé Le Vasseur : « Je n’ai pas trouvé aujourd’hui le comte de Saint-Aignan au lever du roi, mais j’y ai trouvé Molière, à qui le roi a donné assez de louanges, et j’en ai été bien aise pour lui ; il a été bien aise aussi que j’y fusse présent. » La publicité de cette faveur lui devenait, en effet, de plus en plus nécessaire.

La Zélinde par Donneau de Visé n’avait pu, il est vrai, être représentée, mais sa venimeuse brochure courait partout, et l’on annonçait la représentation du Portrait du Peintre ou Contre-Critique de l’École