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MOLIÈRE.

et le Roi, en sortant, dit au Grand Prince : « Je voudrais bien savoir pourquoi les gens qui se scandalisent si fort de la comédie de Molière ne disent mot de celle de Scaramouche ». À quoi le Prince répondit : « La raison de cela, c’est que la comédie de Scaramouche joue le Ciel et la Religion, dont ces Messieurs-là ne se soucient point ; mais celle de Molière les joue eux-mêmes ; c’est ce qu’ils ne peuvent souffrir, n (Préface de Tartuffe. Mars 1669.)

Par reconnaissance, c’est à Condé, au château de Raincy, qu’il fit l’honneur, le 29 novembre, de présenter enfin la Comédie « parfaite, entière et achevée en cinq actes ». Tartuffe allait encore reparaître, nombre de fois, chez les Condé, à Paris et à Chantilly. Néanmoins, pour qu’il remonte sur un théâtre public, il faudra encore cinq années, cinq longues et dures années, de lutte acharnée contre des oppositions respectables ou intéressées, durant lesquelles le poète-comédien dut déployer autant d’opiniâtreté et d’activité physiques et intellectuelles que le roi mit de volonté intime et de souplesse extérieure à concilier ses devoirs de souverain avec ses sympathies personnelles.

Durant même le séjour du roi à Fontainebleau, les invectives contre le poète avaient pris le ton le plus menaçant. Le curé de l’église Saint-Barthélémy le dénonçait au roi dans un pamphlet servile comme « un démon vêtu de chair et habillé comme un homme, le plus signalé impie et libertin qui fût jamais dans les siècles passés, qui méritait par cet attentat sacrilège et impie un dernier supplice exemplaire et public, et le feu même, avant-coureur de celui de l’enfer ». Le roi fit sans doute adresser quelques réprimandes à cet ecclésiastique fanatique