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la grande lutte.

qui s’apaisa. Molière, menacé du bûcher, ne tarda point à riposter, par une offensive plus violente et de plus haute portée. Le 15 février 1665, le Palais-Royal donnait le Festin de Pierre.

Cette fois, rien à dire pour le sujet. C’était la reprise d’une moralité édifiante, d’une pieuse légende, d’un mystère dès longtemps populaire sur les tréteaux catholiques d’Espagne et d’Italie, que des traductions ou adaptations récentes venaient de remettre à la mode en France. Le drame de Tirso de Molina, El Burlador de Sevilla y Combidado de piedra, avait été joué à Paris en 1660, par une troupe espagnole, celui de Giliberto et de Cicognini, Il Convitato di pietra (le Convive de pierre) par les Italiens à Paris et Lyon. Dorimont et Yilliers, sous les titres étranges du Festin de Pierre (!) ou le Fils criminel, ou l’Athée foudroyé, les avaient traduits et adaptés à la scène française. En province et dans la capitale, grâce à la variété des décors, aux effets fantastiques de la mise en scène, leurs tragi-comédies, montrant la débauche et le crime punis par un miracle, attiraient la foule et grossissaient les recettes. En voyant Molière, à son tour, entrer dans la lice et reprendre cette légende édifiante à son compte, la cabale des faux dévots pouvait croire à son repentir ou, du moins, à sa soumission : l’erreur ne fut pas de longue durée.

Dès les premières scènes, ils purent voir que l’adversaire n’avait pas désarmé, bien au contraire. D’abord, le banal débauché d’Espagne qui finit par demander la confession in extremis, s’était changé en vrai libertin français, gentilhomme cynique,