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la grande lutte.

d’injures, et les damneront hautement de leur autorité privée. C’est ainsi qu’il faut profiter des faiblesses des hommes et qu’un sage esprit s’accommode aux vices de son siècle.

Les coups étaient trop cinglants pour que les flagellés, ou leurs dupes, fussent lents à regimber. Le roi, sans nul doute, avait connu la pièce. Il garda encore, dans la circonstance, tout son sang-froid, voulant apaiser toutes les passions et concilier la liberté de la satire avec les égards dus à des susceptibilités honnêtes et respectables. Dès la seconde représentation, la scène du pauvre à qui Don Juan offre l’aumône à la condition qu’il renie Dieu, fut supprimée. D’autres retranchements furent encore opérés les jours suivants. Néanmoins, le flot des récriminations, plaintes et malédictions grossissait et montait tellement qu’après 15 représentations, la veille des vacances de Pâques, la pièce disparut de l’affiche. Le libraire qui avait acquis le texte n’osa le publier. Ce chef-d’œuvre, précurseur du drame moderne, ne devait être imprimé, avec coupures, qu’après la mort de l’auteur, en 1682.

La querelle, d’ailleurs, ne s’apaisait point. Un libelle, cauteleux et perfide, dû à la plume exercée d’un avocat au Parlement, le sieur Rochemont, accuse Molière de « mettre la Farce aux prises avec l’Évangile ! » Comme « rien n’a jamais paru de plus impie dans le paganisme » il rappelle, lui aussi, avec aménité, qu’Auguste envoya au supplice un bouffon qui avait raillé Jupiter, et que Théodose « avait condamné aux bêtes des farceurs qui tournèrent en dérision nos cérémonies ». Conclusion : un appel à la justice exemplaire de Louis XIV, avec