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MOLIÈRE.

telle profondeur, quelques-unes des émotions les plus vives et les plus communes de l’âme humaine. Cette simple et poignante tragédie, d’abord lue dans le salon de Mme d’Orléans, avait été fort applaudie par les gens éclairés de la cour et de la ville. Elle était d’une trop haute portée pour être aussi vite comprise par un public plus nombreux, moins choisi, mal préparé. Le parterre, surpris, fut désappointé. Les recettes, après la seconde représentation, baissèrent rapidement et descendirent jusqu’au minimum. Pour sauver la situation, il fallait donc, au plus vite, une bouffonnerie. Molière n’eut qu’à fouiller dans la malle des tournées provinciales, pour en sortir le Fagatior qui, en quelques jours, devint le Médecin malgré lui.

Grâce à cet appoint (6 août) le Misanthrope put reprendre sa carrière. Le paysan madré protégea et fit passer le trop crédule et distingué gentilhomme. Le Vilain mire du moyen âge, le Fagotior du Languedoc, sous leur nouveau costume, donnèrent autant de joie aux Parisiens du xviie siècle que leurs pères et aïeux en avaient donné à leurs ancêtres. C’était toujours la vieille Gaule accourant au secours de la nouvelle France !

À peine le Médecin malgré lui avait-il rendu à l’auteur du Misanthrope la faveur populaire qu’il lui fallut aussitôt satisfaire à un nouveau caprice royal et collaborer au Ballet des Muses, qu’on organisait au château de Saint-Germain sous la direction de Benserade. Molière, pour sa part, y fournit trois morceaux bien divers : le 2 décembre, une sorte d’idylle héroïque, Mélicerte, le 5 janvier, une parodie