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la grande lutte.

champêtre, la Pastorale comique, le 14 février, une fantaisie comico-romantique, le Sicilien ou l’Amour peintre. Le sujet de Mélicerte était pris dans le célèbre roman de Mlle de Scudéry Artamène, ou le Grand Cyrus ; c’était l’histoire sentimentale de Pisastris et de Timante transportée de l’Égypte précieuse des salons de Rambouillet, dans une vallée de Tempé versaillaise. L’auteur-acteur-directeur fut, cette fois, si pressé dans son improvisation que Mélicerte, comme la Princesse d’Élide, en resta, pour les rimes, au second acte ; elle fut jouée telle quelle et ne fut jamais complétée. La rapidité de travail s’y trahit à chaque pas et, pourtant, nulle part Molière n’a semé de vers plus charmants et plus tendres, d’un rythme si élégant et souple, embaumés de parfum antique. Quelques-uns en vont être repris ou imités par le vieux La Fontaine et le jeune Racine, quelques autres y font pressentir André Chénier. Le rôle principal du bel adolescent Myrtil, séducteur innocent de Mélicerte et des autres nymphes, était joué par le jeune Baron. Molière, ravi des dispositions théâtrales de son élève, s’occupait de son instruction avec tant d’affection que Mlle Molière en était jalouse. Un jour qu’elle s’était emportée jusqu’à le souffleter, Baron s’était enfui de la maison ; on ne l’y avait ramené qu’à grand’peine. Mélicerte, où la Molière joua le rôle de celle qui aime Baron-Mvrtil, fut, semble-t-il, un acte de vraie ou fausse réconciliation. Toujours est-il que Molière oublia Mélicerte, et que, vingt-cinq ans après sa mort, lorsque le fils de sa veuve remariée au comédien Guérin d’Estriché, eut la malencontreuse imper-