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la grande lutte.

l’Imposteur, mondanisé et défroqué, Panulphe au lieu de Tartuffe, hypocrite de cour au lieu d’hypocrite d’église, en habit de ville, grand collet, dentelles et rubans, avec l’épée. Presque rien de changé, sans doute, aux gestes et paroles. Tartuffe reparut donc le 5 août au Palais-Royal, trop petit pour contenir la foule qui s’écrasait. Ce fut un triomphe étourdissant.

Mais, si le roi était loin, les dévots étaient là : sincères ou de grimace, ils veillaient. En l’absence du souverain, la police appartenait au Parlement. Son respectable président, M. de Lamoignon, janséniste austère, blessé dans ses sentiments de piété, dès le lendemain fit interdire la pièce. Les affiches sont lacérées, les portes fermées, des gardes en armes posés devant le Palais. Molière, sans perdre de temps, court chez la duchesse d’Orléans. Celle-ci dépêche à son tour chez le Président un de ses officiers, un messager maladroit, qui gâte tout, n’obtient rien. Les saints faisant la sourde oreille, il faut s’adresser au bon Dieu ! La Grange et la Thorillière, les deux plus distingués de la troupe, hommes de sens et de tact, esprits clairs et bons diplomates, s’élancent, dès le 8 août, en poste, sur la route de Flandre, chargés dune supplique pour le roi :

… Dans l’état où je me vois, où trouver, Sire, une protection qu’au lieu où je vais la chercher ?… La cabale s’est réveillée… Ils ont trouvé moyen de surprendre des esprits qui, dans toute autre matière, font une haute profession de ne se point laisser surprendre. Ils ne sauraient me pardonner de dévoiler leurs impostures aux yeux de tout le monde… J’attends avec respect l’arrêt que Votre Majesté daignera