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au théâtre, une bagarre presque sanglante, à coups de pieds et coups d’épée, entre un gentilhomme et des laquais. Du parterre, on avait lancé des pierres aux comédiens, et Molière avait été blessé par le gros bout d’une pipe à fumer. En même temps, il était en querelle violente avec son ancien collaborateur et ami, l’intrigant et astucieux Lulli. À force de flatteries et de bassesses, le Florentin avait extorqué, au mois de mai, pour son « Académie Royale de Musique », entre autres avantages exorbitants, le privilège exclusif des pièces chantées et dansées. Malgré ses protestations, Molière vit réduire son personnel musical à 6 chanteurs et 12 violons. Il dut remplacer, dans la Comtesse, la partition de Lulli par celle de Charpentier et demander au même compositeur la musique de la nouvelle comédie qu’il achevait à travers tant d’angoisses. Mais cette partition ayant paru trop importante encore à Lulli et pouvant lui faire concurrence, Charpentier fut obligé de la mutiler. Molière pouvait-il s’empêcher de voir, dans ces faveurs excessives accordées à son persécuteur, une diminution de sa propre influence auprès du roi, son protecteur nécessaire ?

C’est dans ces tristes conditions que fut composé, répété, joué, le Malade imaginaire. Il n’avait jamais fallu à l’auteur autant d’énergique volonté, une telle habitude de réagir par l’intelligence philosophique contre les réalités brutales, et de refouler, par le rire consolateur, les larmes de désespoir ou de rage prêtes à tomber. Lorsqu’il ramassa ce qui lui restait de force pour remonter sur les planches, pour se persuader à lui-même qu’il n’était qu’un malade