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MOLIÈRE.

imaginaire, pour crier aux spectateurs ce qu’il souffrait des impuissances ou mensonges de la science médicale, il ne se faisait plus guère d’illusion. Il joua avec peine, dans les trois premières représentations, les 10, 12 et 14 février.

Avant la quatrième, le vendredi 17, au matin, « il se trouvait tourmenté de sa fluxion plus qu’à l’ordinaire » ; il fit appeler sa femme et lui dit, en présence de Baron :

Tant que ma vie a été mêlée également de douleur et de plaisir, je me suis cru heureux : mais aujourd’hui que je suis accablé de peines sans pouvoir compter sur aucun moment de satisfaction et de douceur, je vois bien qu’il me faut quitter la partie, je ne puis plus tenir contre les douleurs et les déplaisirs qui ne me donnent pas un instant de relâche. Mais, ajouta-t-il, qu’un homme souffre avant de mourir ! Je sens bien que je suis fini.

Sa femme et Baron, émus jusqu’aux larmes, le supplièrent de ne point jouer ce jour-là, de remettre la représentation. « Comment voulez-vous que je fasse ? leur dit-il ; il y a cinquante pauvres ouvriers qui n’ont que leur journée pour vivre. Que feront-ils si l’on ne joue pas ? » C’est à peine s’il consentit à faire venir quelques-uns des comédiens et à les prier de commencer le spectacle à quatre heures précises. La toile fut levée à l’heure dite. Molière eut grand’peine à tenir jusqu’au bout. « La moitié des spectateurs s’aperçurent qu’en prononçant Juro dans la cérémonie du Malade imaginaire, il lui prit une convulsion. Ayant remarqué lui-même que l’on s’en était aperçu, il se fit un effort et cacha par un rire forcé ce qui venait de lui arriver. »

Ce rire forcé, celui même dont, masquant ses