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et qui s’éveillait. De hâtifs perce-neige jaillissaient partout, et, sous ses feuilles recroquevillées, je découvris une violette sans parfum que je cueillis. Le temps était doux, je me sentis libre, un grand bonheur vint en moi, et la journée tout entière fut heureuse.

Les dimanches redevinrent alors la halte certaine que je pouvais espérer durant l’étape de la semaine. Je ne vivais que pour eux et dans la plus grande sagesse, de peur que la joie que j’en attendais me fût ôtée. Le samedi me devenait insupportable et me paraissait exagérer sa longueur. Je ne pouvais imaginer que mes camarades s’éveillassent, le lendemain, résignés à vivre ce jour-là comme les autres, et je ne songeais pas sans frémir au temps où j’étais aussi prisonnier. Je trouvais à chaque visite quelque nouvelle corolle ouverte. Après les perce-neige flétris sous les dernières nuits froides, les crocus étaient sortis en collerette jaune ; il me semblait qu’ils la prenaient pour me recevoir… Les jacinthes doubles gonflaient leur grappe rose ou blan-