Page:Laforgue - Œuvres complètes, t1, 1922.djvu/39

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Ah ! quel riche trésor l’artiste Amour étale !
Orangés sulfureux, or roux, roses meurtris,
Blancs de cold-cream ; et la splendeur orientale
Des verts, des lilas noirs et des jaunes pourris !

L’alcool, les cuivres chauds des alambics ; les bières,
Gamme de blonds ; les ors liquides et vermeils,
Les verts laiteux, les blancs, les bleus incendiaires,
L’opale des crachats et le plomb des réveils.

Toussez, ô gris du spleen, défilé monotone
Des tons neutres, plâtreux, enfumés, endeuillés ;
Sépias, roux déteints, averses, ciels d’automne ;
Soleils soufrés croulant dans les bois dépouillés ;

C’est la mort, la catin en cire, aux fards malades ;
Et son clavier de verts, des algues au fiel ;
Ses jaunes luxueux, ses roses de pommades,
Ses bitumes fondant dans le noir éternel !

Chaste rosace d’or, d’azur et de cinabre,
Va, je viendrai souvent lire en toi, loin du jour,
L’Illusion, plus morne en son chahut macabre,
Et me noyer en toi, crevé, crevé d’amour !