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LETTRES 1881-1882

petits fours, une théière, un sucrier avec pince d’argent, etc…

Puis ma chambre à coucher, où l’on avait aussi allumé du feu et où j’ai trouvé ma malle, une toilette, etc… Les domestiques me souhaitent le bonsoir et me quittent.

Je me chauffe, je dîne mélancoliquement, le cœur gros et du bout des dents ; puis ces dîners somptueux sont si fades à mon estomac qui a déjà broyé pas mal de vache enragée !

Tout dort. Je n’entends que le tic tac de la pendule. Je me demande si tout ça n’est pas un rêve. J’écarte mon rideau, je vois, éclairée de mille lumières, la longue façade du château, et les sentinelles graves qui se promènent le fusil sur l’épaule.

J’entre dans ma chambre à coucher où brûlent de fines bougies dans des bougeoirs d’argent.

J’arrange un peu ma malle, puis je me couche. Ah ! le bon lit avec des draps fins comme de la soie, et un édredon bleu ! J’essaie de rappeler mes esprits, et de bien voir les choses, mais, fatigué, je m’endors, en songeant qu’à cette heure-là, tu songeais dans ton lit à tout ce qui arrive à ton pauvres Jules (ma chère Marie, tu ne m’as pas dit ce que tu pensais de ceci).

À huit heures, je m’éveille, la femme de chambre