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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/134

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ŒUVRES COMPLÈTES DE JULES LAFORGUE

jeunes arbres, étayés de maigres perches et dont les racines sont isolées dans un puits de maçonnerie.

Pourquoi disons-nous l’avenue des Tilleuls ? Il n’y a pas d’expression semblable en allemand ; les plaques de la rue et les Allemands disent : Sous les Tilleuls. C’est très poétique et la phrase : « le dimanche, les Berlinois en sortant de la messe vont se promener sous les tilleuls, » doit faire bien, de loin.

La vie sous les tilleuls est divisée en deux comme physionomie par la garde qui passe, musique en tête, à midi, renouveler les postes.

Le matin, c’est toute la pauvreté de Berlin, à tous ses degrés ; l’après-midi, c’est l’apparence du luxe et du loisir.

Huit heures du matin. Des employés qui vont lentement, des ouvrières en chapeau maigre, quatre énormes tombereaux bondés de ces choux violets dont Berlin ne se prive pas. Un camion avec un empilement de cercueils et cette enseigne en grosses lettres : « Fabrique de cercueils, 32, rue des Fleurs. » Piteux, les petits omnibus à dix personnes sur l’impériale. Deux maçons attelés à une charrette de mortier. Autre charrette, l’homme attelé à la bretelle et la femme