Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/134

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Automatiquement, d’abord, il salua de l’échine, à la mode de son pays, cherchant en quelle phrase mémorable, historique, certes fraternelle, mais digne aussi...

La parole lui fut illico rentrée par le neveu du Satrape du Nord, espèce de soudard à calvitie apoplectique, qui bafouillait à chacun et à propos de bottes que, à l’instar de Napoléon Ier, il exécrait les « idéologues » : — « Ah ! ah ! te voilà, idéologue, écrivassier, conscrit réformé, bâtard de Jean-Jacques Rousseau. C’est ici que tu es venu te faire pendre, folliculaire déclassé ! Bon débarras ! Et que ta tignasse mal lavée aille bientôt rejoindre dans un panier à guillotine celles de tes confrères du Bas-Bois ! oui, la conjuration du Bas-Bois, des têtes fraîches d’hier. »

Oh ! brutes, brutes indéracinables ! Et le complot du Bas-Bois avait échoué ! Assassinés, ses frères ! et nul ne lui en donnerait des détails humains. Fini, fini ; rien qu’à crever comme les frères sous le Talon Constitué. Le malheureux publiciste se raidit résolument vers le silence, attendant que, tout ce beau monde parti, il pût se laisser mourir dans son coin ; deux longues larmes blanches lui coulant de dessous les lunettes le long de ses joues émaciées vers sa barbe pauvre. — Et soudain, on le vit se hausser sur ses pieds nus, les mains tendues à une apparition à qui il hoqueta les plus doux diminutifs de sa langue maternelle. On se retourna, — ah ! juste pour voir disparaître dans un tintement de clefs, sous le blafard de cet in pace, une jeune forme décidément emmousselinée d’arachnéenne jonquille à pois noirs...

Et Iaokanann retomba à plat-ventre sur sa litière ; et