Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/139

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Puis, on apporta un parquet de glace naturelle ; et jaillit un adolescent patineur, aux bras croisés sur les brandebourgs d’astrakan blanc de sa poitrine, qui ne s’arrêta qu’après avoir décrit toutes les combinaisons de courbes connues ; puis il valsa sur les pointes comme une ballerine ; puis il dessina en eau-forte sur la glace une cathédrale gothique flamboyant, sans vous omettre une rosace, une dentelle ! puis figura une fugue à trois parties, finit par un inextricable tourbillon de fakir possédé del diavolo et sortit de la scène, les pieds en l’air, patinant sur les ongles d’acier de ses mains !…

Et ce fut clos par une théorie de tableaux vivants, des nudités pudiques comme des végétaux, en graduellement eurythmiques symboles, à travers les calvaires de l’Esthétique.

On avait charroyé les calumets ; la conversation devenait générale ; Iaokanann, assurément peu gai d’entendre cette fête au-dessus de sa tête, en faisait les frais. Les Princes du Nord disaient l’autorité, armée, religion suprême, sentinelle des repos, du pain et de la concurrence internationale, s’embrouillaient et, pour couper court, citaient ce distique en manière d’épiphonème :


Et tout honnête homme, d’ailleurs, professe
Le perfectionnement de l’Espèce.


Les mandarins pensaient qu’il fallait atrophier, neutraliser les sources de concurrence sociale, s’enfermer par cénacles d’initiés vivotant en paix entre eux dans les murailles de la Chine, etc., etc.