Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/140

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Et la musique jouant seule semblait continuer ce qu’on était trop éphémère pour formuler.

Et enfin voici qu’un silence s’élargit, comme un épervier à mailles pâles jeté aux soirs de grande pêche ; on se levait ; il paraît que c’était Salomé.

Elle entra, descendant l’escalier tournant, raide dans son fourreau de mousseline ; d’une main elle faisait signe qu’on se recouchât ; une petite lyre noire pendait à son poignet ; elle détacha du bout des doigts un baiser vers son père.

Et elle vint se poser, en face, sur l’estrade devant le rideau tiré de l’Alcazar, attendant qu’on l’eût contemplée de tout son cœur, s’amusant par contenance à vaciller sur ses pieds exsangues aux orteils écartés.

Elle ne faisait attention à personne. — Saupoudrés de pollens inconnus, ses cheveux se défaisaient en mèches plates sur les épaules, ébouriffés au front avec des fleurs jaunes, et des pailles froissées ; ses épaules nues retenaient, redressée au moyen de brassières de nacre, une roue de paon nain, en fond changeant, moire, azur, or, émeraude, halo sur lequel s’enlevait sa candide tête, tête supérieure mais cordialement insouciante de se sentir unique, le col fauché, les yeux décomposés d’expiations chatoyantes, les lèvres découvrant d’un accent circonflexe rose pâle une denture aux gencives d’un rose plus pâle encore, en un sourire des plus crucifiés.

Oh ! le céleste gentil être d’esthétiques bien comprises, la fine recluse des Îles Blanches Ésotériques !

Hermétiquement emmousselinée d’une arachnéenne jonquille à pois noirs qui, s’agrafant çà et là de fibules diverses,