Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/145

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Et Salomé insistait follement :

« C’est l’état pur, vous dis-je ! Ô sectaires de la conscience, pourquoi vous étiqueter individus, c’est-à-dire indivisibles ? Soufflez sur les chardons de ces sciences dans le Levant de mes Septentrions !

« Est-ce une vie que s’obstiner à se mettre au courant de soi-même et du reste, en se demandant à chaque étape : Ah ça ! qui trompe-t-on ici ?

« Loin, les cadres, les espèces, les règnes ! Rien ne se perd, rien ne s’ajoute, tout est à tous ; et tout est apprivoisé d’avance, et sans billets de confession, à l’Enfant prodigue (on le fera chavirer comme il faut, à demi-mot).

« Et ce ne seront pas expédients a expiations et rechutes ; mais les vendanges de l’Infini piétinées ; pas expérimental, mais fatal ; parce que...

« Vous êtes l’autre sexe, et nous sommes les petites amies d’enfance (toujours en Psychés insaisissables, il est vrai). Plongeons donc, et dès ce soir, dans l’harmonieuse mansuétude des moralités préétablies ; flottons aux dérives, le ventre florissant égaré à l’air ; dans le parfum des gaspillages et des hécatombes nécessaires ; vers le Ici-bas où l’on n’entendra plus battre son cœur ni le pouls de la conscience.

« Ça s’avance par stances, dans les salves des valves, en luxures sans césures, en surplis apâlis qu’on abdique vers l’oblique des dérives primitives ; tout s’étire hors du moi ! — (Peux pas dire que j’en sois). »

La petite vocératrice jaune à pois funèbres rompit sa lyre sur son genou, et reprit sa dignité.