Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/163

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instrument plus riche que ce galoubet ! je vous chanterais tout ce que je suis ! Oh ! je chanterais fantastiquement ! La sobriété classique me fait rire ! Des Kyrie, des Gloria in excelsis, et puis des airs gracieux et un peu vifs de mon pays natal.

— Voyez, les hommes ne peuvent jamais être clairs devant la femme ! Ils devraient faire leur déclaration en bon français, c’est-à-dire en noble et léger dialecte ionique. Non, il leur faut tout de suite la musique ! la musique si communément infinie...

Pan se dresse furieux !

— Et vous autres ! Rien que le son de votre voix. Vous, tenez, la seule musique de votre voix ! Est-ce plus loyal, cela ? Oh ! oh ! misère ! misère des deux côtés, en vérité !

Il se roule devant elle, dans les thyms, comme un sale Caliban, et gémit. Elle, le considère de tous ses grands yeux qui sont compatissants, compatissants avec distinction.

Pan se remet ; et d’un ton suprême :

— En somme ! Voyez, ô noble Vierge, ô qui que vous soyez, vous qui avez pourtant une forme connue ! La journée s’avance et je n’ai jamais aimé. Voulez-vous vous laisser être tout pour moi, au nom de Tout ?

Un silence (temps perdu pendant lequel toute la campagne continue à être heureuse).

La nymphe Syrinx se dresse lentement de toute sa beauté. Elle dit sobrement :

— Je suis la nymphe Syrinx ; un peu naïade aussi, car mon père est le fleuve Ladon au beau torse, à la barbe fleurie. Je revenais du mont Lycée...