Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/165

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de l’état de misère et de souillure où décidément on vit. Qu’elle est pure, ainsi, bondissante et regardant droit devant elle ! Pauvre Pan ! Oh ! il vient de lui passer sur le cœur, d’un éclair, la révélation de la grande et légendaire douleur de Cérès parcourant toute la terre et, poudreuse et mendiante, interrogeant les bergers, cherchant sa fille Proserpine disparue un matin comme elle faisait un bouquet de fleurs des champs pour sa mère.

Amour ! Amour ! Veux-tu donc que je sèche sur place, sans un mot, sans un vers ?

Mais Pan est immortel ! Et à la pensée de ce soir, seul avec sa tristesse de génie ! oh ! à l’idée de son génie, à l’idée des sublimes discussions dans lesquelles il charmerait Diane elle-même, Pan aspire le grand air qui est à tous et s’élance à la poursuite de la précieuse fugitive ! En chasse ! en chasse !

Et la légendaire poursuite de la nymphe Syrinx par le Dieu Pan dans l’Arcadie commence. Oh, quelle aventure !...

Oh, il l’aura ! Il la fera mettre à genoux au coin d’un bois, il lui dira son fait, il la fera s’abaisser à devenir son égale, et alors il pourra l’adorer de tout son bon grand cœur méconnu !

Elle est déjà loin. Elle se retourne et se voit poursuivie. Elle s’arrête un instant et fait front ; puis reprend son galop, éperdue !

— Ah, tu fuis, tu fuis ! Oh, je t’aurai ! Je te tordrai les poignets, je te broierai tes petits os de chatte, je t’apprendrai !...

Ô longue journée légendaire, tu es loin, tu ne reviendras plus !... Cela se passait en Arcadie avant la venue des Pélasges.

Le soleil est partout, les prairies sont transportantes, les