Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/169

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aurai traversée, ô étape, pourtant absolue, je verrai au delà ! (À pédante et demie, la vérité tout entière !)

— C’est clair. Je pourrai bien vous contraindre à sécher sur pied devant l’illusion de mon domaine ou à la sauter. Mais non, je ne veux être, comme vous, qu’une victime de l’illusion mutuelle. Dites-moi au moins et d’abord la couleur de mon illusion.

— Eh bien... Conception bien immaculée... Je ferme les yeux : vos deux grands yeux étaient déjà là en âmes immortellement attentives. L’arc sacré de Diane n’.est pas d’une inflexion plus définitive que l’arc de votre bouche. Oh, ne le détendez pas ! Vos grands yeux annoncent quelque chose que j’appellerai le christianisme, et vous portez haut la tête comme une qui regarde par-dessus les troupeaux des Pan pour voir si le Messie ne vient pas encore !...

Syrinx s’est assise sur le talus, ses jambes pendantes dans les ronces, ses parfaites et douces jambes aux pieds chaussés de blanches sandales. Elle s’accoude à droite, la tête dans sa main, offrant ses grands yeux nostalgiques et inexplorés.

Pan continue à balbutier ses pauvretés.

— Tout est dans Tout ! Et la petite Syrinx est un produit de la Terre. Mais non ! Est-ce que, vous aimant, je puis vous détailler votre beauté ? Attendez-moi,je vais vous rejoindre... Non, non ! restez ! Vous êtes belle, vous êtes spontanément parfaite !

Vos organes respirent le prix de l’immortalité naturelle ! Nous galoperons en fiançailles perpétuelles dans les ronces des monts ! Oh ! que vous devez être belle en chasse !