Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/168

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là ! Et moi, ici ! Oh, vous ! oh, moi ! Tout est dans Tout !

— Tout est dans Tout ! Vraiment ? Ah, ces gens à formules ! Eh bien, chantez-moi d’abord ma beauté.

— Oh, oui ! C’est cela !

Elle attend de là-haut, campée, l’air indéfiniment dispos. Pan grimpe à un arbre qui est là, et, vis-à-vis d’elle mais nullement à portée d’une poignée de main, il s’assied entre deux branches, les jambes pendantes.

Il commence, la regardant dans les yeux pour tout recueillement :

— Conception bien immaculée !... Non, non ! voyez-vous, je ne trouverai pas autre chose.

— J’attends, ce ne sera qu’un jeu, allons ! Quand me direz-vous ma beauté, si ce n’est à cette heure ? Ah ! détaillez-moi ! détaillez-moi ! Soyez donc bon à quelque chose, soyez mon miroir comme la conscience humaine essaie d’être celui de l’Idéal indéfini...

— Ah ! pas ainsi, mon idéal enfant ! Cela vous donnerait trop de droit à l’insaisissable ! (À pédante, pédant et demi !)

— C’est reconnaître en passant que le bonheur est dans la poursuite de l’Idéal, sans plus.

— À cela, je ne puis répondre que par une impolitesse.

— Dites.

— C’est que vous déplacez la question, le but. Vous n’êtes pas le but de ma poursuite ; sous couleur de ce but même, vous n’en êtes qu’une étape entre nous. D’ailleurs, cela revient au même, puisque tant que je ne vous sais pas, vous êtes pour moi le but même, l’Idéal. Quand je vous